stage de découverte du milieu carcéral

Petit bilan après la 1ère semaine du stage de découverte en milieu carcéral

tout d’abord une impression globale : ça circule beaucoup dans une prison !
c’est peut-être curieux de le dire comme ça mais j’ai été très étonnée par les mouvements des détenus qui vont au parloir, à l’école, à l’unité sanitaire, aux activités, aux promenades, au greffe, voir leur cpip, psychologue, assistante sociale, avocat….La liste de ces rdv est bien sûr prévue dès la veille et communiquée aux surveillants de l’étage mais après l’ouverture de la cellule, les détenus vont seuls à leur rdv, même s’ils doivent franchir un grand nombre de grilles qui ne s’ouvrent pas toutes seules ! D’où cette impression de circulation, selon les heures, ça va et ça vient dans les grands couloirs, ça m’a surpris au début.

Le 1er jour on (nous sommes 2 élèves-cpip) a été accueilli par le surveillant-formateur, très bon accueil, et on a fait une visite de l’établissement.
Ensuite, chaque jour on est positionné sur un étage différent pour découvrir le travail des surveillants mais aussi un aperçu de la vie en détention.
Les surveillants sont pour la plupart accueillants, certains sont un peu « ours », d’autres un peu méfiants (« vous allez faire un rapport sur comment on travaille ? » ) mais après un petit moment ils se détendent et parfois même se confient.
Là aussi j’ai été étonnée par leur analyse et leur vision des choses, parfois leurs sentiments contradictoires comme un grand écart entre ce qu’ils ressentent et ce qu’ils doivent faire.
Le major-formateur a dit cette phrase le 1er jour : « ce n’est pas naturel d’enfermer des êtres humains comme des animaux, voire pire, mais faut le faire »
Une surveillante : « je sens que je perds de mon humanité ici » mais à l’annonce d’une bagarre dans la cour de promenade (un groupe tabassant quelqu’un à terre ) « pourvu qu’il ne meurt pas ! »
Un surveillant : « il faut se blinder ici, tu vois derrière chaque porte il y a un drame ...il y a 95 détenus à l’étage ? Il y a donc 95 drames ...tu ne peux pas tout absorber sinon tu ne peux plus travailler . »

Il y a un interphone dans chaque cellule, relié au surveillant d’étage, et ça grésille souvent : « surveillant, excuse de te déranger, mais tu peux regarder combien j’ai sur mon pécule ? Si j’ai parloir ? Si y a un permis de visite ?… », ou alors « surveillant ! j’ai parloir ! c’est bientôt l’heure !»
Le surveillant se sert de l’interphone pour prévenir « Dupont ? »…. « ouais surveillant ? »... «  vous avez extraction à 9h, préparez-vous »... « quoi ? extraction ?.. »... « oui vous allez au tribunal, tenez-vous prêt »... «  waahh...put….j’savais pas..puuut…. »
cet interphone structure le temps en quelque sorte et permet au surveillant qui va ouvrir la porte de trouver le détenu prêt à aller au rdv, ça fait gagner du temps à tout le monde.


(à suivre)

Merci pour ce témoignage et cette immersion au coeur du stage!
Et merci à tous ceux qui prennent encore le temps de faire vivre le forum, malgré Facebook et autres...
C'est toujours un grand plaisir de partager les aventures des nouveaux venus. Bonne route pour la suite.

TOut comme Lennox

Indeed.

Merci les jeunes (professionnels en devenir) de nous faire revivre les (dés) enchantements du début, que l'on ne remarque plus au bout de quelques années. C'est important. On a tendance à oublier (moi la prems), parce qu'on la vit tous les jours, qu'il y a quand même des évolutions positives dans cette administration. Si jamais le forum revit un peu, on pourrait proposer un sorte de post "avant" avec genre les dates et tout :

Avant, aucun détenu n'avait de douche en cellule.
Avant, aucun détenu ne pouvait faire appel d'une peine criminelle, ou d'un rejet de PS ou d'un non octroi de RPS.
Avant, aucun détenu ne pouvait avoir accès au journal non censuré.
Avant, les surveillants étaient en charge de la distribution des médicaments.
Avant, le PSE était réservé aux gars qui bossent. Avec un abonnement téléphonique. Chez France Télécom seulement. Sans internet :p

Bref, une section histoire de la pénitentiaire, un truc un peu au coin du feu. Si ça vous intéresse.

Etc etc, ce qui pourrait nous rappeler que si la marge de progression est ENORME (justice du 21ème siècle ... AH!) il y a qd même des avancées (horriblement lentes de notre point de vue mais néanmoins). Et on pourrait parler CPAL et SSE. ;p
Aucun rapport avec le fait que la ptite chez nous nous a foutu un bon coup de vieux avec son "et c'est quoi un CPAL ?" BABAM (bruit du coup de vieux chez les CPIP).

Em'

Emilie a écrit:

Aucun rapport avec le fait que la ptite chez nous nous a foutu un bon coup de vieux avec son "et c'est quoi un CPAL ?" BABAM (bruit du coup de vieux chez les CPIP).

Em'

quésaco??

Cartman a écrit:

Emilie a écrit:

Aucun rapport avec le fait que la ptite chez nous nous a foutu un bon coup de vieux avec son "et c'est quoi un CPAL ?" BABAM (bruit du coup de vieux chez les CPIP).

Em'

quésaco??

BABAM.

Le Comité de Probation et d'Assistance aux Libérés (MO) sous tutelle du JAP + Service Socio Educatif (MF) sous tutelle du chef d'établissement ont fusionné suite au décret du 13 avril 99 portant création du SPIP.
Je trouve ça hallucinant (et je pèse mes mots hein, je suis née au 20ème siècle) qu'ils ne vous l'apprennent plus à l'ENAP, c'est juste la génèse de notre service. Cela ne fait que 20 ans que le JAP n'est plus le chef hiérarchiques des assistantes sociales en milieu ouvert et que le chef d'établissement n'est plus le chef hiérarchique des éducs pénitentiaires en milieu fermé. Pour l'administration, c'était hier (ce qui explique certains paternalismes de JAP ou de directeurs face aux CPIP). D'où mon incompréhension. En 2008, lors d'un mouvement social majeur des CPIP, un syndicat de directeurs d'établissement avait même réclamé que l'on revienne sous leur tutelle (afin d'arrêter nos conneries à manifester par exemple). La tutelle est encore fraiche dans certains esprits et je ne m'explique pas qu'ils ne vous l'expliquent pas. N'hésitez pas à en parler à l'ENAP, histoire qu'ils vous rafraichissent la mémoire !

Em'

Ça se trouve c'est moi qui ai loupé quelque-chose dans la masse d'information qu'on a eu (ça ne m'étonnerait même pas que ça vienne de là)

Merci pour l'info

J'ai posé la même question quand j'étais en stage l'an dernier, mes collègues étaient du même avis que toi Emilie et un peu choqués, oups 😂.
Je me suis toujours demandé si j'avais loupé un passage dans nos cours ENAP en sachant que la plupart de mes compatriotes n'en ont pas souvenir non plus...
Dans tous les cas, ce n'est pas normal qu'on appuie pas plus sur l'historique, on comprend tellement de choses ensuite.

Merci pour ce témoignage. Ca rappelle des souvenirs

Quand j'avais fait mon stage concours entre l’écrit et l'oral aux Baumettes historiques (pas encore fermées) j'avais aussi été surprise par la circulation dans la prison et le nombre de détenus qui circulent non accompagnés.

PS : Le CPAL je connaissais pas non plus lol

bonjour,

tout d'abord pour Emilie : on nous a bien parlé des CPAL à l'Enap mais cela a été fait de façon un peu "scolaire", lors de l'historique du service, avec une succession de dates sans que celle très récente de leur disparition/transformation en SPIP nous interpelle particulièrement..
On ne se rend pas compte de ce qui a été et qui n'existe plus.
Par contre en te lisant, je comprends mieux certaines choses et l'importance de se souvenir de la place et fonctions qu'occupaient les travailleurs sociaux d'alors (terme encore entendu pour désigner les cpip)


concernant la suite et fin de ce stage en milieu carcéral.
la 2ème semaine, ça y est j'avais intégré la topographie de la prison et je me suis déplacée (en prévenant bien sûr): le formateur nous avait dit qu'il nous laissait une marge de manoeuvre pour aller où on voulait ou presque. Je suis donc allée (dans le désordre) voir le greffe, les cuisines, les ateliers, les parloirs, le quartier d'isolement, le quartier femmes, mineurs, arrivants, l'unité sanitaire, l'unité psy....
J'ai assisté à une commission de discipline, à une CPU, j'ai suivi une ronde de nuit (mais je n'ai pas voulu regarder dans l'oeilleton), j'ai parlé surtout avec des surveillants mais aussi à des gradés, des personnels soignants, des intervenants bénévoles...
J'ai posé des questions, j'ai beaucoup observé et j'ai beaucoup écouté, tout le monde a beaucoup à dire, en positif comme en négatif, ça m'a donné une palette d'impressions, de ressentis, d'opinions et d'analyses tout simplement passionnante.

mais si j'ai parlé avec beaucoup de monde, je ne l'ai pas fait avec les cpip.
est-ce à cause de l'uniforme ? je n'ai pas osé aller les voir, c'était comme une barrière (comme quoi..)
est-ce à cause de tout ce que j'ai entendu dire sur les cpip ?...il m'a semblé percevoir un certaine distance entre les surveillants et les cpip, ou du moins une certaine incompréhension sur le sens du métier de cpip : " de toute façon ça ne marche pas la réinsertion, "ils" reviennent tout le temps en prison, on les a connu mineurs et ils sont encore là 20 ans après ! sortir, revenir, savent faire que ça..."
bref, toujours est-il que je ne suis pas allée les voir et c'est pas malin.

au final, c'était un stage très riche de rencontres de toute sorte, et si j'ai vu des gens parfois désenchantés, j'ai vu aussi beaucoup de personnels impliqués et humains, dans ce milieu carcéral traversé de tensions et de contradictions avec lesquelles il faut composer.
Ce qui n'est pas toujours évident au quotidien.